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  • Richard Bouvier revient à La Chapelle le 18 mai 2025

    Richard Bouvier revient à La Chapelle le 18 mai 2025

    Nous en avions le projet depuis deux ans, mais les obstacles se sont multipliés. La direction du centre d’art souhaitait exposer une dernière fois les mains de mon père, en dernier hommage à un artiste qui a tant marqué les lieux. La principale difficulté que nous avons rencontrée était l’indisponibilité des œuvres, dispersées entre New York, Milan et Tokyo. Il était simplement impossible de rassembler une collection digne de ce nom en France avant une dizaine d’années au mieux !

    Nous avons donc provisoirement abandonné le projet, et ce malgré sa pertinence particulière en regard de la biographie de mon père. C’est alors que j’ai été contactée par mon ami Andrew Heartfield, l’un des collectionneurs les plus assidus des mains de Richard Bouvier. Andrew m’a demandé de préparer avec lui une exposition à la Fondation Cartier, qui devrait avoir lieu en mars 2026. En échange, je lui ai demandé une faveur : pouvoir exposer pendant une journée seulement l’une de mes œuvres préférées dans la longue carrière de mon père, Deux mains pour un adieu, réalisée en bronze quelques jours seulement avant son hospitalisation. Il y a consenti sans hésiter.

    Peu d’amateurs ont eu l’occasion de voir ces deux mains jointes dans ce qui pourrait ressembler à une prière. L’une est celle de mon père, rugueuse et marquée par les ans. L’autre est la mienne, lisse et largement imaginaire. Leur union renvoie à la continuité des génération par-delà le temps et même la mort. J’avoue que je ne peux regarder cette sculpture sans être envahie de larmes. Aujourd’hui, quatre ans plus tard, je devrais avoir fait mon deuil, mais la douleur est toujours là, cachée dans un recoin sombre que je ne visite pas souvent.

    Je profite donc de ce billet pour remercier chaleureusement Andrew, qui accepté de se séparer des Mains pour un adieu malgré les quatre vols subis par d’autres collectionneurs ces derniers mois.

    Émilie Bouvier-Oru

  • Alerte aux voleurs d’art !

    Alerte aux voleurs d’art !

    Depuis la mort de mon père en 2021, sa cote n’a fait que monter, reflet déformé de la force de son œuvre et de sa pérennité. Lui qui n’accordait aucune importance à la phynance (Jarry) aurait été très étonné d’assister à cette étrange ascension des prix dans les salles de vente.

    Ce phénomène a entraîné une conséquence fâcheuse : partout, Richard Bouvier est devenu le synonyme, non d’une recherche de l’absolu dans l’expression des mains, mais d’une possible bonne affaire, d’un placement juteux. Peu à peu, les amateurs sensibles et éclairés ont cédé la place aux investisseurs et les mains de mon père ont quitté les lieux de vie où ils étaient exposés pour disparaître dans les entrailles glacées de quelques coffres-forts.

    Mais le train du succès avait aussi ses passagers clandestins, des malfrats attirés par l’odeur de l’argent, travaillant pour des trafiquants d’art ou des collectionneurs sans scrupule. Alors que mon père conservait ses sculptures et ses tableaux dans un atelier qu’il ne se souciait pas de verrouiller, il devenait soudain urgent de les mettre à l’abri des convoitises.

    À ce jour, nous dénombrons quatre vols :

    • Monsieur Philippe M., un collectionneur parisien, a subi un cambriolage le 17/11/24. Seule a disparu une des Mains de la mémoire, alors qu’elle se trouvait dans un coffre contenant des métaux précieux dont monsieur M. fait le commerce (voir à ce sujet mon billet récent).
    • Une des rares compositions restantes des Mains du silence a été dérobée au cours d’une vente caritative à Genève le 12/12/24.
    • Un plâtre préliminaire des Mains de l’absence a été subtilisé dans les réserves d’une galerie de Bruxelles dans la nuit du 5 au 6/1/25.
    • La plus belle des Mains de solitude réalisées en verre a été volée à l’arrachée pendant son déménagement d’un musée d’art à Stuttgart le 21/2/25.

    Nous travaillons avec les services de police des pays où ont eu lieu les vols afin qu’ils saisissent Interpol en vue d’une enquête internationale. Pour l’instant, nos démarches n’ont pas abouti.

    Émilie Bouvier-Oru

  • Un vol à la Bourse

    Un vol à la Bourse

    La presse s’est fait écho d’un vol récent, dans une collection privée, qui a attiré notre attention. Les événements ont eu lieu dans la nuit du 16 au 17 novembre près du palais Brongniart, dans l’immeuble occupé par la société de Philippe Martereau, l’un des négociants en métaux précieux les plus importants du secteur.

    Monsieur Martereau, que ni mon père ni moi n’avons jamais rencontré, semble faire partie de ces investisseurs conscients de la valeur des productions de Richard Bouvier sur le marché. L’une des pièces les plus significative des Mains de la mémoire était exposée bien en vue dans ses locaux, dans l’une des armoires vitrées contenant les pièces de collection dont il fait commerce. Chaque soir, elle rejoignait avec ces dernières les coffres-forts installés dans la cave du bâtiment.

    J’ai essayé de contacter ce monsieur pour obtenir plus d’informations quant à cet incroyable vol. Je n’ai pu lui parler, mais un de ses employés, un certain Nathan Voltz, m’a longuement expliqué les circonstances de ce fâcheux cambrioleurs.

    Selon lui, des monte-en-l’air se sont introduits dans la cave en profitant d’une livraison de lingots d’or et qu’ils s’y sont fait enfermer par le personnel de l’établissement. Après avoir désactivé l’alarme, ils ont ouvert le coffre contenant la sculpture de mon père et n’ont subtilisée que celle-ci. Oui, vous m’avez bien lue : alors qu’ils se trouvaient au milieu d’un trésor, ils ont négligé l’or, l’argent et le platine pour voler une œuvre dont la valeur n’est connue que des amateurs d’art !

    Dans un sens, je devrais considérer cela comme une sorte d’hommage : l’art préféré à l’or, dans un monde qui connaît le prix des choses. Je ne peux cependant m’empêcher de trouver cette histoire à la fois suspecte et inquiétante. J’ignore ce que cache cette opération rocambolesque, mais je crains que nous assistions dans l’avenir à d’autres vols du même genre.

    Émilie Bouvier-Oru

  • Les mains éternelles – un adieu à mon père

    Les mains éternelles – un adieu à mon père

    En 2022, le Musée d’Art Moderne de Paris a organisé une rétrospective posthume de l’œuvre de mon père, Les Mains Éternelles. J’avais 34 ans, et marcher à travers cette exposition était comme retracer sa vie. De Les Mains du silence à Les Mains du temps, chaque œuvre racontait une partie de son histoire, de ses pertes, de ses espoirs.

    L’exposition incluait aussi des poèmes de son recueil Les Mains invisibles, qu’il avait écrit dans ses derniers mois. Un poème en particulier m’a brisé le cœur : « Mes mains ne sculptent plus, mais elles rêvent encore. » Ces mots, lus à côté d’une main en bronze de 1987, m’ont fait réaliser à quel point il avait tout donné à son art. Les visiteurs, nombreux, rendaient hommage à un artiste qui avait su toucher leurs âmes.

    Les Mains Éternelles était plus qu’une exposition, c’était un adieu. J’ai ressenti sa présence dans chaque main sculptée, chaque poème murmuré. Mon père a transformé sa douleur en beauté, et son héritage vit à travers ses œuvres. En tant que sa fille, je suis fière de continuer à raconter son histoire, une main à la fois.

    Émilie Bouvier-Oru

  • Mains de la mémoire – Un adieu à ma grand-mère

    Mains de la mémoire – Un adieu à ma grand-mère

    En 1998, mon père a exposé Mains de la Mémoire à la Galerie Georges-Philippe et Nathalie Vallois à Paris. Cette série est née après la mort de ma grand-mère, Nathalie, en 1996. J’avais 10 ans, et je me souviens de papa sculptant de petites mains en argile dans notre appartement. Ces œuvres, exposées deux ans plus tard, étaient un adieu intime à sa mère.

    Chaque sculpture était petite, presque fragile, comme si elle pouvait se briser au moindre toucher. Certaines mains tenaient des objets symboliques : un galet, une fleur, un morceau de tissu. Papa m’a raconté qu’il avait sculpté ces mains à son chevet, pour lui offrir un peu de réconfort. Une main en bronze, tenant une plume, représentait les lettres qu’il n’avait jamais pu écrire à sa tante dominicaine.

    L’exposition à la Galerie Vallois était empreinte de douceur. Les visiteurs, souvent émus, voyaient dans ces mains un hommage universel à ceux qu’on perd. Pour moi, Mains de la Mémoire est un trésor. Ces sculptures me rappellent les derniers moments de ma grand-mère et l’amour que papa lui portait, un amour qu’il a su transformer en art.

    Émilie Bouvier-Oru