Nous en avions le projet depuis deux ans, mais les obstacles se sont multipliés. La direction du centre d’art souhaitait exposer une dernière fois les mains de mon père, en dernier hommage à un artiste qui a tant marqué les lieux. La principale difficulté que nous avons rencontrée était l’indisponibilité des œuvres, dispersées entre New York, Milan et Tokyo. Il était simplement impossible de rassembler une collection digne de ce nom en France avant une dizaine d’années au mieux !
Nous avons donc provisoirement abandonné le projet, et ce malgré sa pertinence particulière en regard de la biographie de mon père. C’est alors que j’ai été contactée par mon ami Andrew Heartfield, l’un des collectionneurs les plus assidus des mains de Richard Bouvier. Andrew m’a demandé de préparer avec lui une exposition à la Fondation Cartier, qui devrait avoir lieu en mars 2026. En échange, je lui ai demandé une faveur : pouvoir exposer pendant une journée seulement l’une de mes œuvres préférées dans la longue carrière de mon père, Deux mains pour un adieu, réalisée en bronze quelques jours seulement avant son hospitalisation. Il y a consenti sans hésiter.
Peu d’amateurs ont eu l’occasion de voir ces deux mains jointes dans ce qui pourrait ressembler à une prière. L’une est celle de mon père, rugueuse et marquée par les ans. L’autre est la mienne, lisse et largement imaginaire. Leur union renvoie à la continuité des génération par-delà le temps et même la mort. J’avoue que je ne peux regarder cette sculpture sans être envahie de larmes. Aujourd’hui, quatre ans plus tard, je devrais avoir fait mon deuil, mais la douleur est toujours là, cachée dans un recoin sombre que je ne visite pas souvent.
Je profite donc de ce billet pour remercier chaleureusement Andrew, qui accepté de se séparer des Mains pour un adieu malgré les quatre vols subis par d’autres collectionneurs ces derniers mois.
Émilie Bouvier-Oru
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